Libéré en décembre 2021 après 22 mois en détention préventive, M. Zaki était présent mardi à l’audience au tribunal d’urgence de la Sûreté d’Etat à Mansoura, ville à 130 km au nord du Caire. Il y a été arrêté et aussitôt emmené en prison, précise Hossam Bahgat, fondateur de l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR).
Comme le procès du militant copte des droits humains s’est tenu devant une cour d’exception, il n’est pas possible d’interjeter appel. La section italienne d’Amnesty International a dénoncé « un verdict scandaleux », estimant que « l’image de Patrick traîné hors de la salle d’audience est terrifiante ».M. Zaki encourait jusqu’à cinq ans de prison pour avoir publié en 2019 un article sur un journal en ligne racontant une semaine de violations des droits des coptes, la plus importante minorité chrétienne du Moyen-Orient à laquelle appartiennent 10 à 15% des 105 millions d’Egyptiens. Spécialiste des questions de genre et chercheur au sein de l’EIPR, M. Zaki avait été arrêté en février 2020 pour « terrorisme » à son retour d’Italie où il étudiait à l’Université de Bologne.
« Torturé »
En prison, M. Zaki, dont le Sénat à Rome a voté pour lui accorder la nationalité italienne, a été « frappé et torturé à l’électricité », assurent des défenseurs des droits humains. Sa condamnation en plein dialogue national, lancé début mai pour discuter de tous les sujets qui fâchent à moins d’un an d’une élection présidentielle, a choqué dans les rangs des militants des droits humains.L’avocat Negad El Borai a annoncé sur Twitter se « retirer totalement des travaux » de ce dialogue dont il était l’un des coordinateurs. « La condamnation de Patrick Zaki (…) rend inutile ma présence », écrit-il, « je m’excuse de cet échec ». Sa consœur Mahienour El-Massry, elle, dénonce un verdict rendu « en pleine propagande pour le dialogue national » et appelle à un « retrait » de « la farce du dialogue national » pour ne pas « donner aux autorités le bâton pour se faire battre ».
Pendant les trois décennies de règne de l’autocrate Hosni Moubarak (1981-2011), les libertés étaient restreintes pour les intellectuels, mais elles ont encore diminué depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdel Fattah al-Sissi en 2014. L’Egypte occupe les derniers rangs du classement des libertés universitaires dans le monde établi par l’Academic Freedom index, aux côtés de l’Arabie saoudite, de la Turquie ou de la Chine.Depuis 2014, les autorités mènent une impitoyable répression contre les universitaires, mais aussi les journalistes, artistes, avocats, syndicalistes et autres militants politiques. Des centaines d’étudiants et universitaires ont été arrêtés dès 2013, pour leurs idées islamistes, et une douzaine de chercheurs sont en prison pour leur travail, selon l’Association pour la liberté de pensée et d’expression.
« Liberté de culte »
En 2016, l’affaire du jeune chercheur italien Giulio Regeni, retrouvé mort au Caire le corps mutilé, avait créé un malaise dans le milieu de la recherche en Egypte. Rattaché à l’Université de Cambridge, il travaillait sur les syndicats, sujet très sensible en Egypte. En 2022, la mort en détention de l’économiste égyptien Ayman Hadhoud, avait également suscité l’ire des Etats-Unis.Pour Washington, l’Egypte, l’un des pays qui recourt le plus à la peine de mort au monde, viole les droits humains dans tous les domaines: des prisons à la liberté d’expression en passant par les droits LGBT+. Le Caire, de son côté, promeut sa nouvelle « stratégie des droits humains ». Mardi, les autorités ont publié le « Bulletin trimestriel des droits humains » dans lequel elles affirment notamment avoir légalisé « 216 églises et bâtiments affiliés » ces trois derniers mois pour promouvoir « la liberté de culte ».
M. Sissi a été le premier à nommer un Copte à la tête de la Cour constitutionnelle et il est le premier président à assister chaque année à la messe de Noël alors que ses prédécesseurs se contentaient d’y envoyer des représentants. Malgré ces symboles, les militants coptes assurent régulièrement être victimes de discriminations, pointant des difficultés notamment pour construire ou rénover des églises, et surtout pour accéder à la fonction publique.