« Le régime de Kaïs Saïed en Tunisie n’a pas changé de nature, mais de degré de répression »



Depuis le 11 février, en Tunisie, une série d’arrestations a visé plusieurs personnalités : des figures de l’opposition, des lobbyistes, deux magistrats et le patron d’une radio privée. Les interpellations ont été effectuées grâce à un important dispositif policier. Bien que portant sur des affaires distinctes, la proximité temporelle des arrestations et les heures choisies pour les effectuer (le week-end ou le soir) donnent à un public non averti l’impression qu’elles s’inscrivent dans un même coup de filet. Ce sentiment est nourri par le flou entretenu par les autorités. Le ministère de l’intérieur et le parquet n’ont fait aucune communication officielle. En outre, des soutiens du président ont distillé, en toute illégalité et impunité, des éléments des enquêtes en cours sur les réseaux sociaux. Lire la tribune : Article réservé à nos abonnés Tunisie : « On est bien face à un dispositif de verrouillage de la vie politique tunisienne » Il aura fallu attendre les prises de parole du président, Kaïs Saïed, pour apprendre que les arrestations – sans préciser lesquelles – porteraient sur un complot contre la sûreté de l’Etat et des tentatives d’assassinat sur sa personne. Le chef de l’Etat pointe également un réseau de spéculation organisant la montée des prix et les pénuries de matières premières. S’exprimant depuis les locaux du ministère de l’intérieur, M. Saïed s’adresse aux juges pour leur demander de prendre leur responsabilité, estimant que la culpabilité des mis en cause a été « établie par l’histoire avant de l’être par les tribunaux », puis d’ajouter ultérieurement que « ceux qui se permettront de les innocenter sont leurs complices ». Parmi les arrestations les plus commentées, on trouve celle du directeur général de Mosaïque FM, Noureddine Boutar, station de radio la plus écoutée de Tunisie. Son émission politique, « Midi Show », a un positionnement critique à l’égard du tournant autoritaire observé depuis le 25 juillet 2021. En marge du Sommet de la francophonie, M. Saïed s’en est violemment pris à cette radio, réfutant les accusations de dictature que certains invités de la station portent à son encontre. Les avocats de M. Boutar soutiennent que les enquêteurs l’ont interrogé sur la ligne éditoriale de son média. Il a été mis en examen et écroué par le parquet financier avant que son nom ne figure sur la liste des personnes soupçonnées, entre autres, de complot contre la sûreté de l’Etat. Régime hyperprésidentiel Ces coups de filets ont souvent été analysés comme un tournant dangereux. En réalité, il s’agit davantage d’un changement de degré – mais pas de nature. Depuis le 25 juillet 2021, Kaïs Saïed a méthodiquement affaibli ou éliminé les contrepouvoirs. Après avoir dissous le Parlement en mars 2022, il a dissous l’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi et s’est accordé le pouvoir de gouverner par des décrets-lois non susceptibles de recours. Le Conseil supérieur de la magistrature élu a été remplacé par un organe provisoire, de même que la commission électorale, dont les membres ont été choisis, directement ou indirectement, par le locataire de Carthage. Il vous reste 52.2% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



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