En Côte d’Ivoire, les rapatriés de Tunisie décrivent « une véritable chasse à l’homme noir »



Des rapatriés de Tunisie sont accueillis sur le tarmac de l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan par le premier ministre ivoirien, Patrick Achi, le 4 mars 2023. YOUENN GOURLAY « Le garba m’a beaucoup manqué… Je vais en manger tous les jours non stop pendant un mois ! », s’amuse Mathilde Djiédé, tout juste rentrée de Tunisie, en référence au plat national ivoirien, composé de thon et d’attiéké (semoule de manioc). Comme d’autres rapatriés, l’interprète de 45 ans a passé trois jours à l’Institut national de la jeunesse et des sports (INJS), à Abidjan, pour effectuer des tests médicaux et réfléchir à sa réintégration professionnelle. Un répit bienvenu après la fuite éperdue des derniers jours. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En Tunisie, les migrants subsahariens ciblés par des arrestations et des agressions Confrontés à une vague de racisme et de violences sans précédent depuis les propos du président Kaïs Saïed à l’encontre des migrants subsahariens, de nombreux Ivoiriens ont quitté la Tunisie ou cherchent à le faire. Depuis le 4 mars, deux vols de rapatriement – sur les cinq prévus – ont été affrétés par le gouvernement ivoirien pour les ressortissants qui se sont inscrits sur les listes de départs volontaires de l’ambassade à Tunis. Au total, ils sont 1 600 à avoir fait la demande sur les 7 000 présents en Tunisie, selon les autorités ivoiriennes. Le 21 février, lors d’un conseil national de sécurité, le chef de l’Etat tunisien avait évoqué des « hordes de migrants clandestins » dont la présence serait, selon lui, source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables ». Il a dit souhaiter mettre « rapidement fin » à cette immigration, qui modifierait la composition de la population tunisienne. Une thèse proche de la théorie raciste et complotiste du « grand remplacement » et qui a entraîné de nombreuses exactions dans le pays. « J’avais peur pour ma vie » Agressions, expulsions, licenciements… « Les derniers jours ont été très difficiles. C’était une véritable chasse à l’homme noir : on assistait à des arrestations arbitraires, les locataires étaient virés de chez eux, relate Mathilde Djiédé. Tous les enfants et les enseignants de l’école ivoirienne de ma fille en Tunisie ont été arrêtés. Les policiers sont arrivés et ont arrêté tout le monde sans vérifier les papiers. » Un calvaire pour les clandestins, mais aussi pour les Ouest-Africains en situation régulière. Comme Thierry Gnombré, qui était musicien et technicien dans le marbre en Tunisie depuis quatre ans. « J’étais plutôt respecté là-bas. Mais depuis quelques jours, il y avait des menaces, confie-t-il. Ils étaient capables de tout, j’avais peur pour ma vie. » A part sa guitare, l’artiste a laissé tous ses instruments et son matériel derrière lui. Lire aussi : « La question très taboue du racisme en Tunisie n’a jamais fait l’objet d’un débat national » Pourtant, souligne Mathilde Djiédé, la Tunisie « était réputée être le pays le moins raciste du Maghreb ». Les ressortissants de plusieurs pays de la sous-région peuvent y rester trois mois sans visa, mais une fois ce délai passé, les étrangers cumulent des pénalités mensuelles de séjour de 80 dinars (environ 24 euros), à verser avant de quitter le territoire. « Au bout d’un moment, c’était une somme globale que je ne pouvais plus payer. Je ne pouvais plus quitter le pays », explique Joséphine Assoumou, au côté de son fils de 2 ans. Il vous reste 42.28% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



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